Comment j’ai réappris à dormir

Sommeil : état […] caractérisé essentiellement par la suspension de la vigilance et le ralentissement de certaines fonctions. — le Robert

La sieste par Vincent van Gogh
La sieste par Vincent Van Gogh (1889-1890), domaine public

Pendant des années, le sommeil m’a échappé. Une suite d’événements a ébranlé les fondations de ma vie et l’insomnie en a profité pour s’installer. À un certain moment, le stress de ne pas suffisamment dormir est même devenu l’un des éléments du problème. Les bons dormeurs ne peuvent pas comprendre à quel point l’accès au sommeil devient précieux quand il nous échappe.

J’ai entendu parler de la thérapie cognitivo-comportementale pour la première fois dans un article du journal The Guardian qui présentait le travail du Dr Colin Espie, directeur clinique du Sleep & Circadian Neurosciences Institute de l’université d’Oxford. Il s’agit d’une approche concrète et rationnelle, basée sur la science. Elle s’est révélée particulièrement efficace pour traiter les troubles du sommeil. En parcourant l’article, je me suis pris à rêver de devenir un des patients anglais de cet institut.

En 2013, le Dr Colin Espie et ses collègues ont lancé un programme d’autosoins en ligne, Sleepio, pour rendre accessible ce traitement au plus grand nombre. En s’inscrivant à Sleepio, les participants ont accès à 6 sessions interactives d’une vingtaine de minutes, guidées par un personnage animé, le prof, accompagné de son chien narcoleptique Pavlov. Chaque session est débloquée une semaine après la précédente, ce qui donne le temps de mettre en pratique les apprentissages de la semaine. Le site et son application mobile permettent de tenir un journal quotidien de sommeil et donne accès à de la documentation écrite, à des fichiers audio et à un forum d’entraide. En 2012, une étude avait démontré que ce programme en ligne était au moins aussi efficace que le même programme, offert en présence d’un ou d’une thérapeute.

À la fin de juillet, j’ai trouvé le moyen de participer à ce programme. (cet article n’est pas commandité. Pour le moment, Sleepio n’est pas disponible au Canada.) Voici comment ça s’est passé et à quels résultats je suis parvenu :

Le programme de six semaines de Sleepio

l'application Sleepio
Publicité de l’application Sleepio

Le programme commence par la tenue d’un journal de sommeil. Cette période d’observation de quelques semaines est essentielle. Elle permet de mesurer les progrès à venir de façon objective. Les données compilées seront utiles pour déconstruire des croyances erronées qui nuisent au sommeil. Pendant cette phase d’observation, Sleepio propose de mettre à jour ses connaissances sur le sommeil en se basant sur les dernières recherches scientifiques.

Une fois le journal de sommeil bien entamé et les connaissances mises à niveau, le moment est venu de se créer une routine qui favorisera la venue du sommeil. Nous sommes des êtres d’habitude. Et notre corps n’est jamais aussi à l’aise que dans la répétition. À partir des données du Journal de sommeil, Sleepio propose un horaire. Celui-ci fixe l’heure du lever, les heures auxquelles il faut éviter la caféine, le sport, l’alcool et les repas lourds, la période de retour au calme et l’heure du coucher. C’est à ce moment-là qu’intervient la technique la plus difficile et peut-être la plus importante de Sleepio : la restriction des heures de sommeil.

La restriction du sommeil : une technique efficace

Lorsque l’on dort mal, on a tendance à passer plus de temps au lit pour récupérer des heures de sommeil. On est également porté à se ménager le jour suivant. Les recherches démontrent qu’il est beaucoup plus efficace de faire tout le contraire : passer moins de temps au lit et demeurer actif pendant le jour. À partir de la troisième semaine, Sleepio détermine une plage horaire pour le sommeil à partir des données du journal de sommeil. Le participant ne doit dormir qu’à l’intérieur de cette fenêtre. De plus, en cas de réveil nocturne, le participant doit sortir du lit si le sommeil ne revient pas au bout d’un quart d’heure. Il est alors invité à faire une activité relaxante, idéalement dans une autre pièce, jusqu’à ce que l’envie de dormir se fasse sentir de nouveau. L’objectif est d’associer fortement le lit au sommeil.

La restriction de sommeil est redoutablement efficace. Après quelques nuits, la fatigue se fait sentir, et le besoin de dormir augmente jusqu’à ce que le sommeil occupe tout le temps disponible. On peut alors allonger le temps passé au lit, très graduellement (15 minutes chaque semaine) tant et aussi longtemps que l’efficacité de sommeil demeure élevée. L’efficacité de sommeil correspond au pourcentage de temps passé au lit où l’on dort. Idéalement, elle devrait être de plus de 90 %. Différentes techniques cognitives sont proposées pour apaiser l’esprit qui s’emballe parfois à la nuit tombée (tenue d’un journal de la journée, relaxation progressive, training autogène, visualisation, recadrage des pensées irrationnelles, pleine conscience, pensée paradoxale). Il faut pratiquer ces techniques de façon à bien les assimiler. Elles seront ainsi plus efficaces lorsque le besoin s’en fera sentir.

Voici un exemple d’horaire que je devais suivre pendant le programme. Il est basé sur les données de mon journal du sommeil, sur mes objectifs personnels et sur mon style de vie :

    • Lever : 6 h 30
      • Tenez votre journal de sommeil tous les matins
    • Pendant le jour : de 6 h 45 à 21 h 15
      • À moins que vous ne vous sentiez dangereusement somnolent, faites tout votre possible pour rester éveillé toute la journée.
      • Évitez la caféine à partir de 6 heures avant le coucher
      • Prenez votre repas principal au moins 3 heures avant de vous coucher
    • Retour au calme : 21 h 15 à 22 h 45
      • Écoutez de la musique (activité relaxante)
      • Prenez une douche chaude (tâche avant d’aller au lit)
      • Faites le bilan de la journée (technique cognitive)
      • Expérimentez la relaxation progressive (technique cognitive)
    • Au lit : de 22 h 45 à 6 h 30
      • Dormez et ne faites que dormir dans votre chambre
      • Sortez du lit si vous restez réveillé pendant plus d’un quart d’heure.
      • Ne retournez au lit que si vous avez sommeil et que vous vous sentez fatigué.
      • Respectez votre nouvel horaire de sommeil 7 jours sur 7
      • Expérimenter la désensibilisation au bruit (technique cognitive)

Premiers résultats : mes heures de sommeil s’allongent

J’ai trouvé le programme exigeant. Il faut une solide discipline pour se plier à un horaire rigide pendant plusieurs semaines, mais l’espoir de retrouver le sommeil soutenait ma motivation. Les premiers jours de restrictions de sommeil ont été moins difficiles que ce à quoi je m’attendais. Et au fil des semaines, j’ai constaté que les résultats étaient au rendez-vous ! Après 6 semaines, j’obtiens un score d’efficacité de sommeil de plus de 90 %. Je m’endors en moins de 15 minutes, presque tous les soirs. Mes nuits s’allongent de semaine en semaine. De 6 heures par nuit j’en suis à une moyenne de presque 8 heures par nuit. Lorsque la journée avance, je sens dans mon corps la fatigue et l’envie de dormir qui s’accumule. Dormir devient un plaisir que j’anticipe.

Le plus important est peut-être le fait que le sommeil n’est plus une préoccupation. Les techniques cognitives pour apaiser l’esprit me sont toujours utiles. Grâce à elles, je ne crains plus les mauvaises nuits. Je suis désormais outillé pour y faire face. Je sais également que je peux très bien gérer les conséquences d’une mauvaise nuit de temps à autre. J’ai même réussi à bien dormir dans des situations qui étaient pour moi anxiogènes : une nuit dans un dortoir bondé, une autre ou des voisins faisaient la fête juste sous ma fenêtre.

Le programme Sleepio m’a appris que mon sommeil restera toujours hors de mon contrôle, il est indépendant de ma volonté. J’ai fait le deuil du fantasme du sommeil sur commande. Mais, comme la respiration, il survient inévitablement si ses processus naturels ne sont pas entravés. Il faut apprendre à faire confiance à son corps. Dormir est un abandon. J’ai également appris à protéger jalousement l’espace-temps de mon sommeil contre tout envahissement par les stimulus et les préoccupations de la journée.

 

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