
Cette histoire me trottait dans la tête depuis un moment déjà. Le scénarimage (story-board) s’est donc fait très rapidement, les éléments mis en place ont été peu modifiés par la suite. J’ai réalisé cette étape sur des feuilles 8½ x 11″ pliée en deux, un format proche de celui de la publication papier. Cela m’a permis de voir clairement l’effet des planches qui se feraient face et d’utiliser les pauses lorsque le lecteur tourne la page pour créer une certaine tension.
La scène se déroule la nuit dans les rues de la capitale, j’ai choisi un édifice qui pourrait représenter n’importe quelle ville coloniale des Caraïbes. Il s’agit de l’Edificio de Arte Internacional du Museo Nacional de Bellas Artes, à la Havane. (Lors d’un voyage à Cuba, j’ai cherché un taxi la nuit dans ce secteur.)


Je crois que j’ai trop travaillé le crayonné. L’encrage n’a rien ajouté, le dessin a peut-être même perdu un peu de souplesse. Mais bon, c’était la première page et j’avais peur de faire des erreurs. J’ai fait l’encrage avec des plumes techniques (Steadler pigment liner, pas idéales parce que jetables, mais c’est un outil avec lequel j’étais confortable).

Pour faire la couleur, j’ai suivi plusieurs conseils donnés par Jessica Abel et Matt Madden dans leur bouquin Mastering Comics. J’ai d’abord réduit la résolution de 1200 à 600 DPI. Comme les fichiers noir et blanc étaient en mode bitmap, il a été facile d’isoler les traits sur un calque, après être passé en mode CMJN, et de placer la couleur dans des calques en dessous.
Dans Photoshop, j’ai utilisé principalement l’outil crayon, sans lissage. De cette façon, les zones de couleurs (sans bordures floues) pouvaient être modifiées simplement et rapidement. J’ai géré les couleurs sur trois calques différents (personnages, figurants et décor). Au départ, j’ai tenté de coller le plus possible à une palette de couleur prédéfinie.
Pour être efficace, j’ai commencé par les zones les plus grandes. (Image 1) J’ai ensuite bloqué les pixels transparents pour faire les zones plus petites. Une fois les aplats de couleur à peu près satisfaisants, j’ai commencé à les modifier avec l’outil teinte-saturation-luminosité (ctrl-U).
Image 2 : J’ai ajouté quelques dégradés sur un calque à part, de façon à toujours pouvoir modifier facilement les aplats de couleurs. J’ai ajouté des ombres (un calque en mode produit à environ 60 % d’opacité) et des effets de lumière (calque en mode superposition), principalement sur les bâtiments.
Image 3 : J’ai ajouté un filtre photo pour réchauffer la scène. Un orange rosé. Je cherchais à évoquer une nuit chaude et poussiéreuse dans une ville tropicale. Le filtre photo a l’avantage de donner plus d’unité aux couleurs que j’avais légèrement désaturées. J’ai « backé » le noir avec un gris bleuté (pour rendre le noir plus profond si jamais ce fichier est un jour imprimé sur papier.)

Après des jours et des jours de taponnage, je n’étais toujours pas satisfait du résultat. Il a fallu à un certain point que je lâche prise pour passer aux pages suivantes. Disons que je suis satisfait du résultat à, mettons, 80 %. (À ce point, il ne restait à peu près rien de la palette de départ.) J’ai trouvé vraiment intéressant de jouer avec les nuances de peau pour représenter les métissages culturels et la sensualité des Cubains. Et j’ai réalisé que j’étais complètement pourri avec tout ce qui est vêtements.
Voilà. Les prochaines planches couleur seront publiées ici mardi prochain le 2 février. La version N&B a été publiée dans la revue Vestibulles. Voir la case finale dans son contexte (p.1).